PRATIQUE Les Infections Sexuellement Transmises Patrick Olombel Professeur associé de médecine générale : UFR Rouen Résumé : La recrudescence des Infections Sexuellement Transmises (IST) comme la gonococ- cie et la syphilis, en France et dans la plupart des pays occidentaux, témoigne d'une augmenta- tion des rapports non protégés. Une IST diagnostiquée précocement et donc traitée rapidement est généralement bénigne et sans conséquence particulière. Les IST augmentent le risque de contamination par le VIH. Certaines IST lorsqu'elles surviennent chez les sujets infectés par le VIH, ont une évolution plus grave et sont plus difficiles à traiter. La découverte d'une IST néces- site une réponse adaptée au niveau thérapeutique mais aussi un entretien approfondi avec le patient, mené avec prudence car le médecin s'immisce dans le vie la plus intime du patient et éventuellement de son couple. L'information et la prévention sont essentielles, en particulier pour les patients à risque. Introduction
Chez la femme, l'examen gynécologique périodique peut
être l'occasion de la découverte d'une infection vaginale peu
Le terme Infections Sexuellement Transmises (IST) a rem-
placé celui de Maladies Sexuellement Transmissibles
(MST) dans la nomenclature internationale : cette dénomi-
L'entretien sera plus aisé et plus direct dans le cas où le
nation correspond mieux au caractère parfois asymptoma-
patient suspecte lui-même une IST, qu'il vive en couple ou
tique de ces affections. Elles sont provoquées, par des bac-
téries (gonocoques, tréponèmes), des virus (hépatite B,
- de faire préciser le mode de contamination,
herpès virus, cytomégalovirus, VIH) et des parasites (chla-
- de rappeler l'utilité du préservatif,
mydia, trichomonas). En médecine générale, les infections
- d'évoquer l'infection possible par le VIH et/ou le virus
génitales transmises par voie sexuelle représentent 0,35%
des motifs de recours (1) : 1 cas en moyenne toutes les 3
- de demander au patient de contacter le ou
semaines par généraliste. A ces infections, il faut
les partenaires contaminants ou secondairement
ajouter les infections non génitales transmises par voie
sexuelle telles que les infections par le VIH et par le virus de
L'entretien avec un patient qui n'imagine pas être porteur
l'hépatite B dont l'incidence dans le cadre des IST n'est pas
d'une IST est plus difficile et plus délicat. En effet,
annoncer le diagnostic d'IST à un homme ou une femme
Les patients qui
qui vit en couple et qui n'a eu aucune relation extracon-
consultent
jugale, revient à révéler l'infidélité possible de l'autre.
Le diagnostic d'IST fait suite à des motifs de consultation
Le patient est
différents. Le patient choisit de consulter soit son médecin
habituel, soit un autre médecin s'il suspecte une IST
contractée lors de rapports sexuels extraconjugaux.
Le motif de consultation fait suite, le plus souvent, à des
signes pathologiques de la sphère uro-génitale :
Chez l'homme, l'infection génitale est rarement découverte
par hasard à l'occasion d'une consultation pour un autre
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- douleurs testiculaires avec ou sans augmentation
• Les douleurs testiculaires avec douleur de l'épididyme à la palpation font évoquer une épididymite.
- lésions cutanéo-muqueuses plus ou moins douloureuses
Leur épidémiologie bactérienne est superposable à celle
du gland, du prépuce, du fourreau ou de l'anus,
des urétrites d'autant qu'elles peuvent succéder ou être
- " excroissances de chair " (termes employés par les
associées à une urétrite. Le prélèvement urétral au labora-
patients) qui correspondent à des condylomes du gland,
toire ainsi que l'ECBU sont nécessaires. En cas de doute ou
de résultats négatifs, une sérologie de chlamydia tracho-
matis peut avoir un intérêt (IgG > 1/128 et IgM > 1/32). Le
L'examen physique recherche un écoulement urétral, une
traitement de chlamydia est le même que précédemment
tuméfaction douloureuse de l'épididyme, des ulcérations ou
mais la durée est allongée à 3 semaines.
végétations vénériennes génitales et anales, des adénopa-
L'épididymite à escherischia coli est possible en
thies inguinales, des lésions buccales.
particulier chez les patients pratiquant la sodomie. Le
• Des brûlures mictionnelles et/ou un écoulement uré-
traitement, long, tient compte de l'antibiogramme. tral sont évocateurs d'urétrite. • Les ulcérations génitales font évoquer essentielle-
Cette symptomatologie est souvent atténuée et la gonococ-
ment l'herpès, la syphilis (en recrudescence depuis
cie qui donne l'impression "de pisser des lames de rasoir"
1998) et le chancre mou :
ne se rencontre plus guère. Le prélèvement urétral au labo-
- De petites ulcérations douloureuses, parfois regroupées
ratoire est nécessaire. Les agents responsables sont :
"en bouquet", souvent récurrentes sont très évocatrices
- Le gonocoque dans 15 à 20% des cas. Il est en recru-
d'herpès. Le traitement fait appel au valaciclovir. Pour le
descence en France depuis 1998 (3). Le traitement de
premier épisode, le valaciclovir est donné à 500mg 2 fois
première intention est 500 mg IM en dose unique de cef-
par jour pendant 10 jours. En cas de récurrence, il est
triaxone. C'est le traitement de référence. D'autres molé-
donné à 2 fois 500mg en une ou deux prises pendant
cules sont aussi efficaces per os en dose unique : cipro-
5 jours. En cas de récurrences fréquentes (> 6 par an),
floxacine 500mg, cefixime 400mg ou oflaxine 400mg. En
deuxième intention, le traitement est spectinomycine IM
- Un chancre (ulcération précédée d'une lésion
papuleuse) indolore, à fond propre, associé à des
- Chlamydia trachomatis est associé dans 30 à 50% des cas
adénopathies inguinales fermes, indolores et
et il est recommandé de donner systématiquement un
souvent bilatérales, est très évocateur de syphilis. Les
traitement (1g per os en prise unique d'azithromycine ou
examens de laboratoires sont indispensables : après
doxycycline 100 mg per os 2 fois par jour pendant 7 jours).
prélèvement, mise en évidence du tréponème au micro-
- Ureaplasma urealyticum, mycoplasma genitalium et
scope à fond noir ou en immunofluorescence, sérologie
trichomonas vaginalis sont responsables de 5 à 10% des
(VDRL ou RPR et FTA-ABS ou TPHA). Le traitement
urétrites (seuls ou en associations).
repose sur une injection IM unique de 2,4 millions d'uni-
- Ureaplasma urealyticum et mycoplasma genitalium peu-
tés de benzathine-benzylpénicilline G. En cas d'allergie à
vent être traités par doxycycline (100mg per os 2 fois par
la pénicilline, il peut être proposé un traitement par doxy-
jour pendant 7 jours) ou minocycline (100 à 200mg per os
cycline 100mg per os 2 fois par jour pendant 2 semaines.
2 fois par jour pendant 7 jours) ou encore josamycine (1g
Dans les formes tardives, d'évolution supérieure à un an,
per os 2 fois par jour pendant 7 jours). Trichomonas est
le traitement est identique mais à raison d'une IM de 2,4
traité par dose unique de 2g per os de métronidazole ou
millions d'unités de benzathine-benzylpénicilline G par
de 2g per os de tinidazole ou encore de 2g per os de
semaine pendant 3 semaines ou de doxycycline 100mg
nimorazole. L'association à un traitement du chlamydia
per os 2 fois par jour pendant 4 semaines.
- Un chancre douloureux, creusant, à fond sale,
La responsabilité de mycoplasma hominis est incertaine.
surinfecté, associé à des adénopathies souvent uni-
Ce germe n'est considéré comme responsable d'une urétri-
latérales, inflammatoires et sensibles font évoquer
te que s'il est retrouvé chez les 2 partenaires. Le traitement
un chancre mou. Les examens de laboratoires
est le même que celui d'ureaplasma urealyticum et myco-
recherchent la présence d'haemophilus ducreyi
dans le liquide de ponction du ganglion ou dans les
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prélèvements faits en bordure du chancre. Le traite-
• Des leucorrhées associées à des brûlures mictionnelles
ment fait appel à érythromycine 1g per os 2 fois par
et/ou une dyspareunie font évoquer une cervicovaginite.
jour pendant 10 jours ou ceftriaxone 500mg IM dose
Les germes peuvent être très variés, comme dans le cadre
unique ou cotrimoxazole fort 2 comprimés par jour
pendant 10 jours ou encore ciprofloxacine 500mg
Seul le prélèvement au laboratoire peut aider au
diagnostic d'autant que les associations de plusieurs
• Les végétations vénériennes sont souvent multiples.
germes sont fréquentes. La plupart des germes retrouvés
sont logiquement ceux retrouvés chez l'homme, c'est-à-dire:
Leur incidence a été multipliée par 5 en 25 ans. Elles siè-
gent essentiellement sur le prépuce, le gland, le fourreau de
- le gonocoque dont les signes cliniques chez la femme,
la verge et dans la région péri-anale. Le traitement le plus
lorsqu'il est seul, sont absents dans 50 à 80% des cas.
efficace est la destruction des lésions par cryothérapie ou
- Chlamydia trachomatis, lui aussi asymptomatique dans
par laser. L'application de podophylline à 0,5% ou d'imiqui-
30 à 70% des cas. Ces deux germes, souvent asympto-
mod à 5% sont une alternative un peu moins efficace mais
matiques sont responsables de salpingites chroniques
mieux acceptée par le patient. Il faut savoir que le taux de
silencieuses et d'infertilité secondaires. Leur traitement
- Ureaplasma urealyticum et mycoplasma hominis sont
Les maladies sexuellement transmissibles non génitales tel-
des saprophytes de la cavité vaginale. Ils ne sont consi-
les les infections virales par le VIH et le virus de l'hépatite B
dérés pathogènes que s'ils donnent des signes cliniques
doivent être présentes dans la démarche diagnostique du
et à des taux > 105/ml. Le traitement est identique à celui
médecin et être évoquées avec le patient. Les sérologies
correspondantes doivent être proposées au patient et pres-
- Gardnerella vaginalis est souvent associé à d'autres
crites avec l'accord de ce dernier en ce qui concerne la
germes. Il est plus ou moins contaminant pour l'homme.
Le traitement est 500mg de métronidazole per os 2 fois
Le patient est une
- Trichomonas vaginalis est très fréquemment responsable
de vaginite, seul ou associé. Le traitement est le même
La femme peut consulter pour un examen gynécologique
périodique sans signe clinique d'appel particulier ou pour
- Chlamydia trachomatis chez la femme enceinte est traité
une symptomatologie uro-génitale telle que :
par erythromycine (1000mg per os 2 fois par jour pendant
• Les ulcérations génitales font évoquer l'herpès, la
- douleurs pelviennes plus ou moins continues,
syphilis et le chancre mou.
- brûlures mictionnelles et/ou une pollakiurie,
Les lésions d'herpès se retrouve sur les lèvres, le capuchon
- démangeaisons ou une sensation de brûlure vulvaires,
clitoridien, la fourchette vulvaire, la région péri-anale. Elles
- "excroissances de chair" des lèvres vulvaires ou de l'anus,
peuvent atteindre la paroi du vagin et le col où elles sont
rarement visibles. Il faut penser à l'herpès en cas d'infection
génitale à répétition et tout particulièrement en cas de vagi-
L'examen physique, même en présence de menstruations,
nite candidosique récidivante (qui n'est pas une IST). Dans
recherche une inflammation vulvaire, des ulcérations, des
ce cas, si aucune vésicule n'est retrouvée, un traitement
végétations vénériennes vulvaires et anales, des adénopa-
d'épreuve par valaciclovir peut être proposé. Souvent, l'in-
fection passe inaperçue car profonde (20%). Elle est alors
S'il est possible, l'examen au spéculum recherche des
lésions de la paroi vaginale mais aussi du col. Il permet de
Les chancres, qu'ils soient syphilitique ou mou, peuvent eux
connaître l'origine d'une leucorrhée, vaginale ou cervicale.
aussi passer inaperçus car profonds. La maladie peut être
Le toucher vaginal associé au palper abdominal, fait avec
suspectée par la présence d'une adénopathie ou, le plus
douceur peut mettre en évidence une douleur pelvienne
souvent, être révélée par l'atteinte du partenaire. Le traite-
profonde en particulier au niveau des annexes.
ment est identique à celui de l'homme.
La Revue Exercer - Janvier / Février 2005 n°72 - 11 PRATIQUE • Les végétations vénériennes sont retrouvées sur les L'information des lèvres, la fourchette vulvaire, dans la région péri-anale, patients et la prévention sur le col utérin.
Le traitement est le même que chez l'homme et les récidi-
La consultation de médecine générale est une
ves aussi fréquentes Une surveillance attentive est néces-
opportunité pour informer les patients sur les IST et leur
saire car certaines variétés de papilloma virus peuvent
prévention : patients de tous âges, vus pour des patholo-gies les plus diverses où de multiples occasions se pré-
faciliter le développement de cancers du col utérin. Chez la
sentent pour aborder la prévention des IST.
femme comme chez l'homme, la prise en charge des IST
doit intégrer la VIH et l'hépatite B.
L'information et la prévention sont essentiellement indivi-duelles. Elles sont ciblées sur les adolescents et les
• Des leucorrhées associées à de la fièvre et à une dou- leur pelvienne évoquent une infection génitale haute.
L'information porte sur l'utilité d'être vacciné contre l'hépa-
Les salpingites en particulier sont en augmentation.
tite B, l'utilisation du préservatif comme protection des IST
Deux agents pathogènes sont le plus souvent en cause,
et non plus seulement comme moyen de contraception,
chlamydia trachomatis (30-50%) et neisseria gonorrhoeae
et sur la définition des comportements à risque.
(15-20%). Les salpingites évoluent le plus souvent à bas
Une information écrite et graphique est une aide efficace
bruit et sont une cause importante des stérilités tubaires
pour expliquer l'utilisation du préservatif.
d'origine infectieuse. Le diagnostic et un traitement préco-
ces ont pour but de réduire la fréquence des séquelles
Conclusion
(stérilité) et des complications (grossesse extra-utérine).
La recrudescence des infections sexuellement transmi-
Le traitement probabiliste comporte obligatoirement une
ses comme la gonococcie et la syphilis, en France et
association d'antibiotiques actifs sur l'ensemble de ces bac-
dans la plupart des pays occidentaux témoigne d'uneaugmentation des rapports non protégés. Pour faire
téries (amoxicilline - acide clavulanique + cycline ou ofloxaci-
face à ce problème de santé publique, les médecins et
ne, utilisée per os en ambulatoire pendant au moins 10 jours).
en particulier les médecins généralistes qui exercent en
L'efficacité du traitement est jugée sur des critères cliniques
soins primaires, doivent accroître leur vigilance vis-à-vis
(chute de la fièvre, disparition des douleurs) et des examens
des comportements sexuels de leurs patients. Les
complémentaires (régression échographique des signes
occasions d'en parler sont multiples lors de consulta-
utéro-annexiels et retour à la normale de la NFS et de la VS).
tions pour d'autres motifs. La découverte d'une IST
Si les signes cliniques persistent, l'hospitalisation est néces-
nécessite une réponse thérapeutique adaptée mais
saire. La sérologie n'a aucune valeur de surveillance évoluti-
aussi un entretien approfondi avec le patient. Cet entre-
ve des infections à chlamydia trachomatis. En effet, les anti-
tien doit être mené avec prudence car le médecin s'im-
corps peuvent persister à un taux élevé pendant plusieurs
misce dans le vie la plus intime du patient et éventuel-
mois. L'examen et le traitement du partenaire doivent être
lement de son couple. La prévention doit être une action
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